Art. #1
CRÉER L'IDENTITÉ VISUELLE
D'UN·E HERBORISTE
UNIVERS DE MARQUE
04 04 2024
Marie et Flore ont passé des heures ensemble au jardin. L’une courant dans les allées entre les fleurs et les plantes dont les parfums se mélaient au vent d’été, l’autre s’occupant avec soin de ses amies à feuilles, ses «précieuses» comme elle les appelait. Année après année, la première voyait la seconde répéter les mêmes gestes. Des gestes hérités des générations précédentes. Des gestes précis et rigoureux. Semer, cultiver, cueillir, sécher, distiller, préparer, transformer. Prendre soin. De la nature. De ses plantes. De la famille. Des amis. Soulager les maux.
Flore c’est la grand-mère de Marie. Elle lui a transmis sa recette de tarte aux mûres sauvages et sa passion pour les plantes médicinales. Marie a repris la ferme de Flore, faisant ainsi perdurer le savoir-faire ancestral qui lui a été transmis et qu’elle a aussi étudié. Elle a ses propres gants mais la même détermination que sa grand-mère à faire perdurer son métier. Herbae Florae c’est une histoire de famille et de tradition, une histoire séculaire d’un métier qui petit à petit s’essouffle et qu’il est urgent de faire perdurer.
Mon rôle à moi, dans les histoires d'entrepereur·euses comme Marie, c'est de faire naître une identité visuelle qui l’épaule dans sa mission, sur laquelle elle pourra se reposer parce qu’elle transmettra la bonne image.
Phase #1 _ COMPRENDRE
On ne sait pas où on va sans savoir d’où l’on vient. La première étape de travail consiste donc à décortiquer ce qui fait l’essence de la marque. Pour l’entreprise c’est un très bon exercice qui permet de clarifier, de mettre les mots justes sur ce qu’elle est. Pour le·a designer c’est une rencontre en profondeur avec la marque et la personne qui la porte. Lors de cette phase de travail, si les questions sont nombreuses et précises, intervient également une part d’instinct. En captant l’énergie de mon interlocuteur·rice, je dessine mentalement un tableau de ce que deviendra son univers visuel. J’affine ensuite les contours grâce aux réponses rapportées.
La première chose qui m’intéresse c’est de connaitre l’histoire de mon·ma client·e. C’est selon moi absolument indissociable de l’histoire de la marque. Que je travaille avec un·e entrepreneur·e qui se lance ou bien qui a 10 ans d’expérience, l’histoire de la genèse du projet est toujours très intéressante à connaître. Presque tous les projets sur lesquels j’ai travaillé puisaient leur origine dans l’histoire même de leur créateur·rice parce qu’ils étaient le résultat d’un parcours de vie. Entendre les histoires des entrepreneurs·euses que j’accompagne est une des choses que je préfère et chéris dans mon métier de créatice d’univers visuels.
La compréhension des marques que j’accompagne passe également par des questions sur ce qu’elles défendent, sur les valeurs qui pour elles sont essentielles, sur les objectifs qu’elles souhaitent atteindre, leurs ambitions, leur mission. L’identité visuelle étant un moyen de créer du lien entre une marque et sa clientèle, j’ai également besoin de connaître le profil de la clientèle idéale. On aborde encore la question de la «concurrence». Connaître les points forts des autres professionnel·les de son secteur, observer leur univers de marque est nécessaire pour créer une identité visuelle propre à mes client·es et qui leur permette de se distinguer.
En somme, cette première phase de travail c’est avant tout un échange, des recherches et des mots.
Phase #2 _ DÉFINIR UNE DIRECTION ARTISTIQUE ÉCLAIRÉE
Voilà, je connais le projet de mon.ma client·e sur le bout des doigts. Maintenant je vais tour à tour me glisser dans ses chaussures et dans celles de sa clientèle idéale. L’objectif est de trouver la bonne piste graphique, la direction artistique que je devrai suivre lors de mes essais et explorations.
La direction artistique concrètement c’est :
- Une composition d’images qui renvoie une certaine ambiance, une certaine image : celle de l’entreprise. C’est pour ça que la phase #1 est absolument nécessaire. Parce que pour définir l’ambiance de la marque, il faut bien la connaître ! Cette composition d’images, c’est ce qu’on appelle le (ou la) Moodboard ou planche d’ambiance.
- Une piste de palette de couleurs. Les couleurs pourront varier légèrement, mais les bases sont posées dès le début parce qu’elles ont un fort pouvoir émotionnel et qu’il est bon de les définir dès ce moment du processus de création.
Cette direction artistique donne un première aperçu à mes client.es de l’endroit où je souhaite amener leur image de marque d’une part et d’autre part, m’assurer que nous sommes sur la même longueur d’onde. Je ne passe à l’étape suivante que lorsque cette direction est validée à 100%.
Pour Herbae Florae, j’ai orienté mes recherches d’inspiration vers quelque chose qui reflète à la fois l’expérience et les connaissances de Flore, tirées de son héritage familial et professionnel, la filiation, le statut de grand-mère et le souffle nouveau de Marie. Je suis partie à la recherche d’images qui ramènent à ces trois aspects. Des illustrations crayonnées, des polices d’écriture anciennes et solides mêlées à d’autres plus modernes. Pas trop de chichi. Quelque chose de simple, mais aussi de beau parce qu’il y a de la beauté dans leur histoire.
À travers ce moodboard, je cherche à créer une planche qui invoque les valeurs de la marque : le savoir-faire, l’attention portée à la qualité ; l’efficacité et l’honnêteté ; l’humilité face à la nature. Je ne cherche pas une image ostentatoire, plutôt quelque chose de simple et solide. Quelque chose qui aurait sa place dans une image de nature.
Phase #3 _ CRÉATION DE L'IDENTITÉ VISUELLE
J’entre dans cette troisième phase de travail avec toutes les cartes en main pour commencer mes recherches graphiques autour de la marque elle-même. Au moment de me lancer dans les premiers traits de crayon, je sais déjà quelle sera l’image globale de la marque. Mais tous les contours sont flous et c’est le moment de les affiner.
Je commence par le logo.
Ici, je suis partie sur un logo typographique en dessinant chaque lettre. J’ai choisi de travailler un style typographique sans empattement, notamment en raison du caractère simple et épuré de la forme des lettres qui sont allongées et fines mais pas non plus fluettes. Je veux de la solidité. Il faut de la force et de la volonté pour diriger cette entreprise, on évite donc les déliés fragiles.
Marie tire ses connaissances de ses ancêtres et de la transmission des herboristes des siècles précédents mais elle a de l’ambition pour son métier d’artisane. Je donne donc du mouvement au nom, en le faisant monter. Pour lui donner de l’élan. De l’envol.
Ok, le nom est dessiné. Mais le logo n’est pas fini. Je souhaite lui apposer une petite phrase qu’on appelle baseline. J’aurai pu simplement inscrire « herboriste », mais on préfèrera choisir une phrase qui évoque un peu plus l’essence de la marque. « Remettre les plantes au centre de la vie » est donc une meilleure option. Elle indique l’objet de l’activité, mais va plus loin. Elle rappelle la mission de la marque et ira donc toucher plus profondemment et précisemment son coeur de cible.
Je choisis une police d’écriture qui évoque les lettres de plomb utilisées en imprimerie et qui renvoie une image traditionnelle et savante.
Le logo tel qu’il est là me plaît et simple, il sera parfait pour la création des étiquettes et emballages de tisanes, huiles essentielles, hydrolats et autres produits. Mais je veux créer une version un peu plus fournie, pour les espaces plus grands qui pourraient accueillir un grand logo.
Je pourrais créer un petit symbole avec des plantes ou des feuilles, mais j’écarte immédiatement cette idée, un peu vue et surtout ce n’est pas assez représentatif de ce que je perçois d’Herbae Florae. Ce qu’il faut c’est Flore. Au jardin, là où les souvenirs de Marie sont les plus nombreux. Là où s’est faite la filiation.
Je choisis de créer une illustration crayonnée, rapide mais reconnaissable de l’herboriste récoltant le fruit de son travail. Elle surplombe le nom, complètant le logo de sa douce présence.
Pour finir cette version, j’ajoute quelques éléments informatifs, des indications qui viennent encore asseoir la marque : «de mères en filles» amène la notion d’entreprise familiale et une certaine tradition de la transmission, ainsi que «Depuis 1967», qui vient également appuyer l’ancienneté et induit donc la qualité de la marque.
Le logo principal est créé. Maintenant on s’amuse à créer les éléments graphiques qui vont graviter autour. Et oui, juste un logo c’est un peu léger. Déjà parce que votre logo ne rentrera pas partout, il lui faut ses variations. Ensuite parce que le répéter à l’identique sur tous vos visuels de communication peu vite devenir lassant et redondant. C’est là qu’entrent en jeu les déclinaisons de logo et les éléments de marque qui viennent assurer le travail quand le logo n’est pas là. Parfois vous aurez besoin d’apposer le logo principal sur un visuel, et d’autres fois, le choix le plus intéressant sera de mettre un élément de marque.
Les éléments de marque découlent du logo. Ils en prennent généralement un élément et le présentent autrement. Ici par exemple je reprends les initiales du nom, la baseline, l’herboriste ou même simplement son chapeau et je créé avec des petits éléments graphiques qui pourront venir s’imiscer partour dans les supports de communication.
Ils ne sont pas des logos mais participent à rendre votre marque mémorable. Les éléments de marque sont autant de cartes à jouer dans le jeu de la communication. Ils viennent habiller une photographie, orner un texte, compléter un emballage, etc. Ils sont discrets mais apportent de la cohérence et donnent du poids à un univers visuel.